Tous connaissent la beauté des pivoines par magnifiques fleurs aux formes très variées, aux couleurs chatoyantes et aux parfums envoûtants; et, bien sûr, on ne parle pas de leur vivacité.

Ces pivoines, on les donne en héritage aux générations suivantes comme une merveille à conserver dans le temps.

L’aspect esthétique des pivoines est sans conteste la définition parfaite de la beauté des fleurs. Ce sont tous nos sens qui sont directement touchés. La séduction opère immédiatement avec tous ses atouts.

Mais aujourd’hui, je veux vous parler de la création versus l’hybridation. J’ai toujours considéré que mon geste d’hybrideur est un geste pur de création. La même chose que lorsque je faisais de la peinture, c’est de l’art vivant avec toute sa complexité et son savoir technique et créatif. Bien sûr, avec beaucoup plus de patience avant d’obtenir un résultat final. Si je fais ce parallèle, c’est que je considère que la démarche artistique d’une oeuvre et celle de l’hybridation sont similaires . Les buts sont précis, les méthodes sont déterminées et le processus complexe; tout cela appartient à ce qu’on appelle le « faire de l’art » ou encore le « procédé de l’art ».
Pivoine créée par Tremblay:  'Louise Godin'

‘Louise Godin’

Paeonia 'Le Cratère'

‘Le Cratère’

Il a été pour moi très naturel de ramasser une banque de données et d’éléments qui me permettaient d’assembler toutes les parties composantes; exactement comme un artiste peintre qui compose sa palette de couleur. Également, c’est cette complexité que je recherchais lorsque je faisais de l’art. Il était normal de refaire la même approche afin de créer de nouvelles pivoines.

Les parties composantes de l’hybridation sont nombreuses :

  1. Établir un but précis : Au début de mon hybridation (il y a 20 ans), je voulais obtenir la pivoine de couleur orange sans me préoccuper réellement de la forme idéale. Bien sûr, mes objectifs ont changé au cours du temps et de mon expérience, ce n’était qu’un leitmotiv pour mieux me concentrer. Maintenant, j’essaie de me préoccuper davantage de la forme de la pivoine, c’est-à-dire une semi-double ou double avec des couleurs plus rares. Je sais que plusieurs hybrideurs à travers le monde obtiennent d’aussi bons résultats mais j’imagine que les chemins sont différents.
  2. Des méthodes déterminées : Il a fallu choisir mon bagage génétique pour obtenir la couleur orange; j‘ai donc acheté toutes les pivoines jaunes et les pivoines qui ont du carotène. Ce n’était que le point de départ, il a fallu cueillir des informations très complexes sur la fertilité de certaines pivoines. C’est ce que j’appelle le ramassage des données. J’ai donc consulté différents textes sur les croisements afin de reconnaître quelle partie de pollen ou du stigmate est fertile (voir le site de Carsten Burkhardt’s Web Project Paeonia qui est très bien fait). Bien sûr, d’autres éléments s’ajoutent à cette complexité et les méthodes évoluent au cours des connaissances acquises pour mieux avancer vers ses objectifs. Des considérations du lieu de mon jardin, en tenant compte de son climat de montagne (zone 4A), du temps de la floraison et du temps de mûrissement des graines. Il a fallu trouver des alternatives… et c’est à ce moment-là qu’intervient la créativité; en trouvant des solutions particulières. Cela donne souvent des résultats différents. Comme je le dis souvent : « le hasard joue souvent en notre faveur ».
  3. Essai – erreur : Contrairement à la création d’une oeuvre d’art, la peinture par exemple, le taux de réussite de l’hybridation (environ 3%) est plus aléatoire. La satisfaction est moins garantie mais tellement enrichissante! En misant sur des éléments esthétiques précis, je suis de plus en plus exigeant, mais je me dis qu’il faut toujours miser haut pour mieux atteindre l’impossible.

L’aventure est à l’infini et le monde a besoin de plus en plus de beauté.

Texte original de François-Léo Tremblay, publié dans l’Infolettre de la Société québécoise de la pivoine, no 9, septembre 2021.